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« Avec Jésus, du lien de sang au lien de sens », Jean-Michel MARTIN

Ces premiers versets du Nouveau Testament peuvent nous étonner, mais ils constituent aussi la Bonne Nouvelle, la proclamation de l’Evangile.

I. Jésus le triple roi (lecture théologique)

La généalogie de Luc 3, 23-38, fait certainement plus preuve de fidélité historique factuelle que celle de Matthieu.

Luc, médecin historien, connaît l’importance de la fiabilité d’un bon diagnostic médical et la nécessité de la restitution aussi exacte que possible de la véracité historique. Il s’attache surtout à donner la généalogie de Joseph. Son éclairage est plus universaliste : il remonte jusqu’à Dieu par Adam (Luc 3,38) , alors que Matthieu fait descendre Jésus de David et d’Abraham (perspective plus juive)

Jean, lui, transcende le temps, et dessine le tableau de l’éternité qui fait irruption dans notre temps humain par l’incarnation, la « parole faite chair ».

Marc, quant à lui, prend comme point de départ le baptême, un peu comme si les trente années précédantes étaient de moindre importance.

Chaque auteur écrit dans une perspective particulière, un peu comme chacun d’entre nous : pour certains, la « vraie vie » commence après leur baptême, pour d’autres à la conversion ; pour d’autres au moment de la naissance, pour certains à la conception, pour d’autres encore elle n’a de sens que comme projet de Dieu, etc…


Deux grands types d’interprétation sont à envisager :

a) une lecture discrète, « soft », exprimée par 1 Timothée 1,4 : « ..ne pas s’attacher à des fables et des généalogies sans fin, qui favorisent des discussions plutôt que l’œuvre de Dieu dans la foi… ». Il vaudrait mieux ne pas trop insister sur ce thème controversé et imprécis, car il est facteur de divisions et sujet à caution.

b) une lecture symbolique spirituelle et psychologique (celle que nous privilégions) : « … cependant, vous n’avez pas plusieurs pères, c’est moi qui vous ai engendré en Jésus-Christ par l’Evangile » (1 Corinthiens 4,15).

Sous la plume de Matthieu, nous sommes introduits dans une filiation spirituelle et psycho-affective par Jésus-Christ : cela nous confère des droits particuliers (héritage, patrimoine, appartenance à une lignée de générations), mais aussi des devoirs, tout en apportant des réponses aux questions fondamentales que nous nous posons dans notre triple quête :

* une quête identitaire : d’où est-ce que je viens (origine), qui suis-je (identité) et ou est-ce que je vais (finalité) ? ;

* une quête narcissique : suis-je capable d’aimer, et digne d’être aimé ?

* une quête d’altérité : différentiation du moi, unicité et spécificité de chacun (en quoi suis-je pleinement moi, différent de l’autre ?)

La généalogie matthéenne montre la légitimité juridique de Jésus : par Joseph, son père adoptif, il descend d’Abraham. Les destinataires de l’Evangile, ses auditeurs ou ses lecteurs privilégiés, sont les juifs, et il est vital de leur montrer que Jésus s’inscrit dans leur lignée et dans leur lignage. Joseph, en refusant de répudier Marie, montre qu’il est un homme de bien, et qu’il adopte Jésus, le reconnaissant comme son propre fils.

Au verset 17, il est dit qu’il y a

14 générations d’Abraham à David (période patriarcale) ;

14 générations de David à la captivité babylonienne, à la déportation (période royale) ; et

14 générations de la captivité à Jésus (période sacerdotale).

Dans sa périodisation, Matthieu joue avec les « chiffres et les lettres) : il place David en premier (royauté d’abord), puis Abraham. Le chiffre 14 joue un rôle déterminant : 14 est la valeur numérique de David ; c’est pour rester fidèle à ce chiffre que Matthieu a passé sous silence trois générations entre Joram et Ozias (l’absent de l’histoire, le non-dit, voir 2 Rois 8ss).

Le but est de montrer que Jésus descendant de David et d’Abraham, qu’il est le dépositaire de la promesse faite à Abraham et de l’alliance contractée avec lui, comme le dit bien Gal.3,16 : « … les promesses ont été faites à Abraham et à sa descendance. Il n’est pas dit : et aux descendances, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais comme à une seule: et à ta descendance, c’est-à-dire à Christ »

En plus, Jésus est le nouveau roi, le nouveau David : il vient à la fin d’une série de six fois sept générations, et il inaugure avec le commencement de la septième et dernière série la plénitude des temps : « … mais lorsque les temps furent accomplis (plhrwma) Dieu a envoyé son Fils… afin que nous recevions l’adoption… » Gal.4, 4-6).

Jésus est présenté comme le Patriarche des patriarches, comme le Roi des rois, comme le Prêtre des prêtres, le sacrificateur des sacrificateurs : il cumule les fonctions les plus élevées et les élève au rang le plus haut, introduisant chaque croyant au bénéficie de cette triple hérédité :

1) la période patriarcale, marquée par l’alliance passée avec Abraham, le « père de la foi » : « Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice. Reconnaissez-le donc : ceux qui ont la foi sont fils d’Abraham… » (Gal.3,6-7). Il quitta sa terre d’Ur, en Chaldée, pour marcher sur le chemin de la foi. Il osa « lâcher-prise » et se mettre en mouvement, nomade plein de confiance envers son Dieu: « …C’est par la foi qu’Abraham obéit à l’appel de Dieu, en partant vers un pays qu’il devait recevoir en héritage ; et il partit sans savoir où il allait… » (Hé.11,8).

2) la période royale: Jésus appartient à une lignée royale : « … je suis le rejeton et la postérité de David, l’étoile brillante du matin ... » (Ap.22,15). La messianité royale confère à chacun de ses enfants une dignité et une noblesse de prince ou de princesse, une valeur inestimable, qui nous permet de dire avec le psalmiste : « … je te loue d’être une créature si merveilleuse… » (Ps.139, 13-16).

3) la période sacerdotale: il a porté la prêtrise: « …Puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, tenons fermement la confession de notre foi… » (Hé.4,14).

Nous pouvons nous réclamer pleinement de sa filiation, et exercer à notre tour cette fonction de prêtrise, de sacrificature: «Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi.2,9).

Notre privilège est de pouvoir annoncer qu’Il est vainqueur : sur la souffrance, sur la séparation, sur la mort, sur toutes les peines ; et qu’Il libère de toutes les formes d’esclavage en nous et entre nous.

II. Avec Jésus, du lien de sang au lien de sens (lecture psychologique)

La Bible ne nous présente pas seulement un idéal inaccessible, qui nous confronterait à notre propre impuissance. Elle fait preuve de réalisme et de lucidité : elle accorde certes une grande place au côté « lumière » ou « côté cour » des événements qu’elle relate et des personnages qu’elle met en scène, et elle nous dépeints tels que nous pouvons devenir, transformés par la grâce divine.

Elle nous livre aussi tels que nous sommes, dans notre côté « ombre » et « jardin » : la généalogie de Jésus n’échappe pas à cette perspective, affichant quelques branches pourries qui peuvent nous surprendre, mais qui peuvent surtout nous encourager, nous qui avons tellement de mal à lever le silence qui pèse sur nos secrets de famille, au point de rendre notre histoire transgénérationnelle irrespirable. En ce sens, l’Evangile selon Matthieu devient révélation, dévoilement, apocalypse.

Je suis très impressionné et touché par le fait que dès le début de l’Evangile, dès l’entame du Nouveau Testament, la Bible « dé/couvre », « dé/voile » quelques-unes unes des perversions, des déviations qui relèvent autant du vécu personnel avec ses dysfonctionnements que de la vie familiale avec ses avatars :

au verset 3 : l’histoire scabreuse de la famille de Juda et de Thamar, avec Zara et Pharès, frères jumeaux et fils de Thamar, dans un contexte de tromperie et de séduction, qui frise la prostitution et l’inceste (Thamar était la belle-fille de Juda). Il suffit de consulter 1 Chr.2,4 et Gen.38,6-26 pour s’en faire une idée.

au verset 5 : le généalogiste n’hésite pas à se référer à Rahab, la prostituée, que Josué 2 situe à Jéricho. Cette étrangère fit preuve de courage en cachant chez elle des espions ; et elle fut aussi la première prosélyte, qui épousa la foi israélite suite aux miracles opérés par le Dieu d’Israël. Elle racheta ainsi sa conduite répréhensible: « …c’est par la foi que Rahab, la prostituée ne périt pas avec les non-croyants, parce qu’elle avait accueilli pacifiquement les espions » (Hé.11,31).

toujours au verset 5 : la mention de Ruth, la Moabite (encore une prosélyte), l’étrangère, qui préfigure tous les étrangers et les immigrés qui ne manquent pas de nous déranger ou de nous interpeller (voir Ruth 4,21 et 2 Chr.2,11). Elle fit preuve d’attachement et de fidélité envers Noémi, sa belle-mère, et elle put s’unir au peuple par mariage et justice lui fut rendue par rachat (Booz).

au verset 6 : le roi David et « la femme d’Uri » (elle n’est même pas nommée), dans un épisode peu glorieux : un adultère doublé d’un crime. En conséquence, l’enfant né de cette union illégitime devait mourir, et David, qui par ailleurs avait « trop de sang sur les mains », laissa à son fils Salomon le privilège de construire le temple à Jérusalem.

Quand je pense que c’est de cette lignée qu’allait sortir Jésus, le Messie, le triple roi. Il devait d’ailleurs se situer par rapport à sa filiation : était-il fils de Joseph ? de Dieu ? du Saint-Esprit ? Qui était son vrai père ? Peut-on parler d’un géniteur dans son cas?

Le verset 18 parle du mystère en relatant que Marie « … se trouva enceinte du Saint-Esprit ». Il s’agit d’un mystère à respecter en tant que tel, sous peine de tomber dans la conjecture stérile : nous ne pouvons établir un lien de sang, une filiation biologique chronologique, mais poser un lien de sens, symbolique, à accepter par la foi et qui peut alimenter notre mémoire sémantique.

Le récit de Matthieu nous apprend,

que Jésus avait une mission à remplir, qui dépendait plus de sa filiation avec le Père divin, plus de son intimité relationnelle verticale avec Lui, que de son lien horizontal humain avec les membres de sa famille biologique (Lu.2, 40-52) ;

qu’Il devait prendre une certaine distance avec sa propre famille, pour être plus libre dans sa mission : toute famille a des projets pour ses enfants, et il est important que chacun d’eux s’approprie sa mission propre. Le projet doit devenir le sien (ce que la psychogénéalogie appelle les « tâches à finir »).

que certains secrets de familles créent comme « une dette à payer » pour les générations suivantes : le secret gardé et caché modifie le comportement des membres de la famille, car le mal caché est non-dit, ce qui ne l’empêche nullement de continuer son travail destructeur en silence, par exemple dans les transmissions inconscientes d’une génération à l’autre… Quand le secret est révélé (de la bonne manière), la dette est payée et un meilleur équilibre relationnel peut se déployer.

qu’il est possible d’accepter et de transcender les « branches pourries » de son arbre généalogique, en levant certains de ces secrets qui empoisonnent la vie et polluent notre mémoire historique (événements vécus), notre mémoire référentielle (valeurs transmises) et notre mémoire sémantique (sens donné au vécu conscient et inconscient).

que ce travail de prise de conscience et de dévoilement, aussi douloureux soit-il, permet de lutter contre le double danger qui nous guette dans le travail de mémorisation car il est toujours sélectif: soit par l’embellissement, dans lequel je ne retiens que ce qui m’arrange, pour écrire une histoire à l’eau de rose; soit par la tendance à noircir le tableau, pour entretenir une vision pessimiste qui alimente les tendances à la dépression, avec comme résultat final le manque d’amour pour les roses sous prétexte qu’elle ont des épines qui piquent !

qu’il y a plusieurs manières de vivre ce processus de libération de la vie intra- et interpersonnelle. La Bible parle de « naître d’en haut » dans l’entretien de Jésus avec Nicodème en Jean 3 ; de « conversion » en tant que changement de mentalité (metanoia), de renouvellement de l’intelligence suivi d’un changement de comportement et de sentiments dans Ro.12,2 (approche cognitive-comportementale); d’adoption par Dieu, qui libère de l’esclavage des peurs et des habitudes nocives (Ro.8, 14-16 et Ga.4,6-7) ; de « se greffer à Christ », de devenir une même plante avec Lui (Ro.6.5), le cep qui donne la sève aux sarments pour qu’ils portent de bons fruits (Jn.15). Quand la greffe prend, la personne se modifie profondément et durablement (changement du deuxième ordre dans l’approche systémique).

que nous sommes tous enfants d’un même Père, que nous formons tous la grande famille humaine, en tant que fils et filles, en sachant que certains sont plus obéissants que d’autres ;

que la filiation avec le Père céleste (qui a aussi les qualités d’une maman), concerne les trois dimensions du temps :

le passé, dont il s’agit de défaire certains nœuds qui entravent notre marche de libération, par exemple en ne reproduisant plus les répétitions transgénérationnelles qui polluent le déroulement de notre histoire personnelle et communautaire familiale et ecclésiale; dont il s’agit aussi de tirer des leçons pour ne plus recommencer les mêmes erreurs et pour être guéri(e) des maladies enfouies et/ou infectées qui nous rongent ;

le présent : que je peux vivre comme un présent (cadeau) par les choix à opérer, les décisions à prendre et les actions à entreprendre, toujours de manière informée et lucide ;

le futur (l’avenir) : que j’envisage comme une aventure à tenter, par des projets à atteindre, avec des certitudes bien implantées mais aussi avec bien des interrogations qui subsistent.

que si les conséquences directes et immédiates de nos limitations passées et présentes (physiques, psychiques, affectives, sociales, culturelles, spirituelles…) ne disparaissent ni tout de suite ni tout à fait, nous pouvons au moins changer le regard que nous jetons sur elles et leur trouver un sens, tout en gérant leur résonance affective en nous et entre nous : le désespoir et le découragent qui régnaient en maîtres peuvent germer en espoir ; la foi « crédule » qui pensait que tout allait bien dans le meilleur des mondes se change en foi mûrie, adulte, dont la qualité consiste à croire, à avoir confiance, même quand « ça va mal » ou «quand « ça fait mal ».

L’amour conjugal, filial ou autre, s’enrichit par la naissance d’en haut d’une dimension en plus : il devient amour-agape, fruit mûri au soleil de la lumière divine, réchauffant les existences de ceux qui sont plongés dans le vent froid de la routine, de la haine, ou pire, dans le désert de l’indifférence.

Jésus est triple roi : Patriarche des patriarches, Roi des rois, Prêtre des prêtres. Il est triple vainqueur: sur le péché, sur la douleur et sur la mort. Il enrichit et bonifie nos trois dimensions du temps: passé, présent et avenir, qu’Il transforme en harmonie rythmée au vent des saisons. La greffe ayant pris, la sève salvatrice coule, et les branches pourries sont élaguées.

Avec Lui, la triple dimension relationnelle est féconde : la proximité devient intimité, communion, mais sans abdiquer dans une fusion régressive ; la distance m’accorde l’espace dont j’ai besoin pour grandir, mais sans que Dieu ne soit inaccessible ; le conflit se mue en occasion favorable pour échanger des conceptions différentes et des perceptions variées (il fallait quatre évangélistes pour nous en parler, chacun y apportant son éclairage particulier), dans un contexte de saine confrontation, mais pas d’affrontement destructeur.

Il répond aussi à ma triple quête, identitaire, narcissique et d’altérité : « tu es mon enfant bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection»

Pourquoi ?

« … car Il est bon, sa bonté demeure toujours, et sa fidélité subsiste… de génération en génération… » (Ps.100,5) !
  

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